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Jacques Rivalin

Psychanalyste à Nantes - Psychothérapeute à Nantes - Psychothérapie à Nantes
Président de l'Institut Français de Psychanalyse P.A.R

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Articles et brèves de Jacques Rivalin, abordant de très nombreux thèmes philosophiques et métaphysiques sur le développement conceptuel de la P.A.R et la présentation de tranches de vie philosophiques.

Et pourtant qu’elle était belle

Cette phrase remplie de nostalgie, de douceur et de tristesse mélangées, je l’entends souvent au cabinet, car nous sommes tous nourris, pétris de ces états d’âme, de sensations, ce que j’ai nommé et défini sous l’appellation de PMDP, ces poches matricielles de plaisir. Et certaines sont des ambiguïtés remplies comme d’un mélange étrange de plaisir et de déplaisir ensemble, comme l’est d’ailleurs l’ensemble notre psyché, et ce sont nos émotions qui savent nous remplir, et irrémédiablement nous construire dedans et à travers ce qu’elles apportent.

« Et pourtant qu’elle était belle. »

Cet aphorisme comme un prétexte à introduire notre réflexion.

Qu’elle était belle cette période de congés, mais il faut rentrer. Nous pourrions ainsi préluder notre causerie, et même dire Il faut tous les faire rentrer, il faut tous nous faire rentrer. Prendre ce prétexte qu’est la rentrée pour envisager cette façon de penser que c’est plus rassurant de nous savoir dedans, car dehors c’est dangereux.

Cultiver ce paradoxe jusqu’à le présenter sous la forme d’un antagonisme en faisant apparaître l’opposition entre l’extérieur synonyme de liberté, et celui de l’intérieur auquel la rentrée, nous invite, nous oblige. Faire ainsi volontairement apparaître le côté obscur, cette idée de contrainte que nous allons exploiter très rapidement ici dans ce bref exposé.

L’extérieur serait dangereux, mais pour qui ?

Pour nous de ne pas savoir comment gérer cet espace de liberté ?

  • Car dedans nous serions plus assurés.
  • Car de les savoir dehors les exposerait.
  • Car dedans nous serions plus rassurants.
  • Car dedans ils pensent nous rassurer.
  • Car dedans c’est rangé, c’est l’ordre.
  • Car dehors c’est le désordre.

Mais rentrer pour quoi faire, ce mot tellement utilisé, tellement commun, mais surtout significatif pour nous tous, et bien sûr dans sa fonction première du langage usuel, celui d’un marqueur d’une temporalité comme ceux de : la rentrée des classes, la rentrée littéraire, la rentrée universitaire, c’est un passage, parfois même associé à l’idée d’un rite

Sur le plan analytique c’est à la fois signifiant et en même temps pas tant que cela au niveau du significatif. Car il ne s’agit que d’une formalité de symboliser, la rentrée n’est pas un état, c’est construire une idée d’une situation. Mais au-delà de la temporalité c’est plutôt l’idée de rentrer sous les ordres de toutes natures, qui peut interpeller notre causerie.

Rentrez à la maison, rentrez dans la classe, rentrez dans le rang, rentrez dans les ordres.

Le paysan rentre ses bêtes quand il est l’heure de la traite, lorsque c’est la fin de la transhumance, fini la liberté, l’insouciance, et les bêtes le savent, il suffit de les regarder, nous diront ces personnages connus que nous allons retrouver plus loin dans cet exposé.

Penser ainsi, la rentrée nous renvoie de fait à notre impuissance face à cette liberté chérie, il faut rentrer. Ce mot à l’avantage de circonstancier l’idée et la notion de liberté, il nous reste deux semaines avant la rentrée, nous savons ainsi après cette quantification mieux qualifier le niveau de cet espace de liberté !

Ce n’est pas associé à la légèreté, c’est obligatoirement associé à de la subordination et à de la dépendance. Et nous soulignerons que par définition la société préfère que ses citoyens soient rentrés car dehors, ceux-ci sont ingérables. Il faut vite faire rentrer ces désœuvrés qui pourraient devenir suspects. Comme si être sorti et dehors représentait un danger, ce sont des postulats d’extrêmes.

La rentrée par son existence marque la fin de ces espaces de liberté. Liberté par rapport à ses parents, son employeur, par rapport à ses proches même.

Nous pourrions sur ce ton continuer ce développement longtemps, mais je voulais simplement faire apparaître cet espace de réflexions. Ceci pour nous permettre de développer cette idée de rentrée d’une façon plus habituelle et commune. Ce marqueur qu’elle est, dans lequel chacun est habitué et structuré à sa propre idée de la rentrée.

Pour poursuivre à développer et illustrer notre conciliabule, nous allons reprendre nos chemins de traverse, ceux des rêveries qui nous ont accompagnées durant cet été, et les lecteurs retrouverons ainsi notre scrutateur et narrateur, fidèle à son poste d’observation, ce banc de la rue des oiseaux pales, dans l’intime du fruit de ses observations, cela mâtiné de ses pensées. Espérant la délivrance d’un secret, celui que tout un chacun recherche, mais que lui Alphonse sait formuler mieux que tous.

Rue des oiseaux pales.

Lien de la première partie des histoires d’Alphonse

Observer ces pavés disjoints amuse toujours Alphonse, plus que la méfiance qu’ils inspirent d’y glisser, et de faire une mauvaise chute, ce qu’il évite d’ailleurs avec prudence. Mais lui, cela lui rappelle surtout les gadins de son enfance. Et il y en a eu, les siens et ceux des autres, ceux de ses copains. Mais à l’époque il n’y faisait pas attention, plutôt intéressé par le fait de vite y arriver.

Vite y arriver, à rejoindre Georges et Louis, vite arriver au chemin du grand chêne, au vieux puits, ou au pain perdu, endroits que nous connaissons sans les avoir jamais réellement découverts.

Aujourd’hui ce mardi semble bien peu lumineux, peut-être que cela est dû aux rayures étranges que forment ces stratus, se combinant curieusement à ces drôles de cumulus. Les cumulus ont toujours fasciné Alphonse, par leurs formes prêtant aux rêveries les plus variées et de toutes natures, propices à transformer quiconque en délicat poète. Ici aujourd’hui les couleurs bleues et aux reflets dorés curieusement orangers, se mélangent donnant ainsi des lumières portées comme des petits feu follets qui viennent jouer avec la matière des feuilles.

Alphonse s’approche de son banc, et a pris soin de ne pas glisser sur ces feuilles grasses tombées de la pluie récente, et qui maculent ces pavés dysfonctionnels, mais qui sont tellement authentiques dans le monde d’Alphonse, car son histoire n’existerait pas sans eux.

Il avait hâte plus que de coutume de retrouver son perchoir, car occupé par des affaires qu’il avait à finaliser sur la capitale, il craignait hier rater sa correspondance pour un retour dans sa belle province, comme il aime à l’appeler auprès de ses amis parisiens.

Après une belle et longue carrière bien remplie, de contrôleur, puis d’inspecteur auprès des compagnies maritimes, Alphonse était venu remettre de l’ordre dans les affaires que ses parents lui avaient laissé, et s’est convaincu, cela sans résistance d’ailleurs, que cette phase désinentielle de son existence prenait véritablement sens ici. Et maintenant comme une sorte de pèlerinage, il s’appliquait à se réapproprier chacun des paysages de son histoire, et cela bien sûr avec la complaisance que cela obligeait.

Ce mardi trois septembre était celui de la rentrée des classes, il avait vu, observé de loin ses pioupious comme il aime les appeler, papillonner, virevolter autour des bancs devant l’entrée de l’école. Il les observait de loin, mais en savourant chaque instant qui se superposait automatiquement à sa mémoire d’écolier, qu’invoque cette cour de Saint Kulgent, comme une lévitation, en soi.

Mais paradoxalement ce qui l’intéressait principalement le plus, c’était effectivement bien ce jour de la rentrée, mais plus spécialement ce moment bien particulier qui est celui de la sortie ! Pas particulièrement ce moment de la rentrée.

La sortie des classes, oui mais celle du jour de la rentrée.

Le jour de la rentrée, oui mais au moment de la sortie.

N’importe quel badaud serait intrigué par cette drôle d’idée, mais lui il sait bien ce que cela représente, c’est ce moment qu’il aime à saisir les expressions, les sons, les attitudes de tous, car, elles sont les plus significatives.

C’est la jonction, le maillon, le maillage entre le dedans et le dehors, ce moment de bascule, ces moments d’ailleurs, faits de multiples observations, comme à travers une chambre obscure, s’appliquer à voir, pour chiper quelques expressions, un moment rare, et de fait précieux qu’il apprécie avant tout autre chose.

C’est l’heure de la sortie, « l’heure des mamans » disent les plus petits dans cette quête constante auprès de la maîtresse. Ce moment si précieux où ce matin les vacances et ma liberté étaient encore dans les chausses, ce moment qui signifie que le monde du futur est présent. Instantanément la porte franchie, les portes : celle du portail, puis celle du couloir vert du rez de chaussée, puis celle de la porte, sont franchies et se referment, alors à cette succession d’instants, le monde d’avant s’envole, plutôt il s’évapore, s’évanouit, comme s’il n’avait jamais existé.

Et pourtant qu’elle était belle cette période de vacances !

Ce monde dans lequel l’enfant, insouciant, simplement responsable de savoir jouer et donner sens à ceux-ci, disparaît lorsque les portes se referment. Il n’est plus tout à fait celui-là, l’enfant doit devenir autrement. Alphonse renferme l’idée que les enfants de sa génération étaient plus matures, plus graves peut-être dans leur compréhension de la vie, et de leur situation privilégiée d’enfant. Celle d’être privé de quelque chose, comme handicapé, face à ces adultes qui montraient bien leur différence, leur supériorité, par la marque du passage, pour les garçons c’était le passage des culottes courtes aux pantalons et pour les filles les chaussettes abandonnées.

Les joies d’avoir retrouvé ses camarades, les tristesses du contraire, les redoublants que l’on reconnaît à leurs attitudes faussement assurées, ceux qui ont la chance de tomber sur le bon maître, celui qui le savaient et ceux qui découvrent le hasard des découpages qui font l’on est séparé de ses camardes, de son bon copain.

C’est ainsi que des drames s’organisent insidieusement mais sûrement.

Je prends ici le relais d’Alphonse, pour préciser combien dans mon cabinet, j’ai pu entendre de ces rentrés catastrophiques, dues entre autres à des placement dans des établissements sous les conseils de professeurs d’amis des parents, de choix qui n’en sont pas, de suivre tel, ou tel ami pour se retrouver ensembles.

J’ai vu des vies se rater sur ces rendez-vous ratés, et cela quelques soient les âges, de passage d’école avec des méthodes bien particulières et d’un retour dans le système classique raté et le contraire.

Une classe mal vécue et ce sont des conséquences quasiment irrécupérables, une année ratée, une accroche avec un enseignant qui se passe mal, car tout cela se joue sur un rien, un mot, une attitude que l’enseignant à mal saisi, une impression que les parents vont dégager.

Les conséquences seront multiples, comme l’aversion d’une matière, de l’école, des études, de l’organisation des rapports à l’autorité, et l’enfant n’aura plus qu’à se dire, ou pire ses parents que cela n’était pas fait pour lui, et se retrouvera prématurément en dehors du système, lui retirant surtout de la possibilité de choisir, ce sont les adultes qui le feront, ne tenant compte que d’une soi-disant incompétence.

Je poursuis toujours en prenant le relais d’Alphonse pour préciser combien l’enfant s’adapte, il est d’ailleurs intéressant d’observer la manière dont il perçoit cette notion de temporalité. Nous savons que la perception du temps est très relative, même si celui-ci semble être unifié à travers des échelles mesurant sa propre temporalité. Ainsi les enfants ont une idée des espaces et des distances temporelles qui n’ont pas la même signification que pour les adultes, ainsi rappelons-nous qu’une journée peut leur sembler être une éternité, attendre un mois peut équivaloir à attendre une vie.

Les enfants ont également une perception d’un temps plutôt immédiat, instantané il est d’ailleurs intéressant de savoir que des enfants « dits caractériels », ne fonctionnent que dans ce temps du présent, et de ce fait présentent de très grandes difficultés à intégrer une réelle temporalité. Pour eux le passé n’existe que très peu, voire pas ou plus, il peut être effacé automatiquement, à la recherche de la satisfaction immédiate, ce fameux principe de plaisir qui s’efface de la réalité qui elle est temporalisé. De même le futur n’existe pas car il n’est pas encore, donc pas encore présent, car pas perceptiblement vécu. Cela montre que les capacité de perception et d’adaptation seront ainsi faussées.

De même penser : dans un jour, dans une semaine, dans un mois, cela n’a pas de réelle valeur, car ce sera toujours trop long, et de fait irrémédiablement soumis au principe de réalité. C’est souvent le temps qui ramenant à ce principe de réalité permettra à l’adulte d’intégrer l’alternance entre plaisir et réalité, car la perception et l’intégration du futur étalonné, permet seule de percevoir la notion d’effort.

Dans nos cabinets nous voyons ainsi des drames s’organiser de ces orientations mal faites, précipités d’enfants, d’adolescents, qui suivant des conseils d’amis, s’adapteront en fonction des lieux, ainsi combien de carrières, mais surtout de parcours de vie, se construiront de ces orientations improbables. Au passage il est important de noter combien également de parents désemparés face à l’institution ne sachant ni quoi, ni où, se rallieront au discours de l’institution, et également d’enseignants qui ne …

Par facilité, choisir telle discipline, ou par pugnacité vouloir faire ses preuves, mais se posera toujours la question de savoir pourquoi un tel sera pugnace, alors qu’un autre n’aura aucune résistance face à l’effort. Ce que nous constatons dans l’exercice de notre pratique depuis ces longues années, c’est que cela relève de l’éducation, du cadre de vie donné pour l’enfant par ses parents principalement, cet art et exercice tellement complexe qu’être parent.

Trouver le juste milieu.

C’est ce que l’on peut appeler le juste milieu, car tout devrait être simple et naturel dans cette fonctionnalité d’être parent. Mais actuellement ceux-ci sont bombardés de toutes part de ces préceptes ridicules et hors réalité scientifiques ou tout simplement de bons sens, allant jusqu’à s’immiscer dans les principes éducatifs de toutes natures, que je ne vais détailler ici, mais qui polluent l’ensemble des médias et réseaux sociaux. Malgré cela et jusqu’à preuve du contraire, il est utile de préciser que l’espèce humaine dépend de la phylogenèse et non pas d’autres hypothèses délirantes, ainsi l’adulte doit se préparer à cette maturité de devenir parent. Tout devrait être simple, mais combien nous disent dans nos cabinets, « mais je n’ose pas proposer, conseiller, interdire telle ou telle chose à mon enfant de peur d’être jugé par les autres, comme les voisins, qui eux l’autorisent ». Effectivement nous sommes dans une société asthénique qui n’assume plus la notion de responsabilité individuelle, préférant substituer cette fonctionnalité en déléguant aux autres, ainsi la notion de responsabilité diluée progressivement de passage en passage au gré de ces procurations, subsiste de moins en moins.

Pour ce qui concerne les choix d’orientation, qui devraient légitimement être un compromis des compétences, des aspirations de l’enfant et de l’adolescent, combien se retrouvent dans des filières improbables, vont faire des apprentissages, des stages, vont devoir suivre des obligations d’études et d’options qui de fait les orientent et les engagent pour toute leur vie à venir. Ainsi celui qui va passer un concours va devoir se retrouver muté, ailleurs de tout autre choix, et devra accepter de fait et projeter la satisfaction de cette réussite, il y aura de grande chance que les rencontres sentimentales vont se trouver là, à s’installer sur cette ville affectée, pendant plusieurs années qui viennent. Et de fait prenant obligatoirement les codes de ces environnements professionnels et locaux, alors que le frère ou la sœur restés dans la ville initiale qui se seront trouvé dans d’autres options d’études, n’auront pas de rupture à organiser, d’ailleurs que celle-ci soit positive ou moins, et seront plus proche de leurs parents, avec tous les avantages et inconvénients. A partir de là les fratries ne résonnent plus de la même façon, et s’organisent également au gré des conjoints, ce qui est naturel et légitime.

Ce que je vaux, ce que je veux.

A partir de là les avis ses feront et se déferont, se façonneront par ces environnements nouveaux et différents dans lesquels chacun évoluera. Ces carrefours auxquels nous sommes tous confrontés, et cela que nous les voyons ou pas, que l’on pourra éviter, éventuellement les contourner, voire les nier. Ces carrefours nous pouvons également les créer, notre vie n’est faite que de ces hybridations issues de l’ensemble de ces circonstanciels et le but du développement personnel que je propose à travers la PAR est de faire apparaître au plus vite ce moment de choix le mieux affiné qui est la Pleine Lucidité Appliquée, faculté non innée et naturelle, mais à développer naturellement.

Mais dans cette attentes et perspective, il est important que les parents, enseignants éducateurs aient la grande intelligence et humilité de cela pour apprendre à l’enfant à cultiver les concepts de relativité, de pragmatisme et la pugnacité, ce fameux « Ce que je vaux et ce que je veux ».

Cette grande lucidité applique c’est un des buts apprendre à être sincère, mais sincère devant une seule personne nous. Et ensuite apprendre à gérer cela dans cette économie de marché qu’est la vie et à nous de faire de ce qui pourrait être une jungle un très beau jardin.

Rue des oiseaux pâles.

Les cris aigus des plus petits dominent ce brouhaha si caractéristique des sorties de classe, et ramènent, ravivent l’attention d’Alphonse qui rêvassait attendant ce moment précieux. Instantanément se superpose à cette réalité celle des impressions, jeu auquel il aime se laisser aller. Ceci lui permet par un jeu subtil d’observations mélangées aux sensations des mémoires, d’organiser un savoureux cocktail qu’il aime bien d’ailleurs laisser s’organiser en lui, malgré lui, pour mieux le démailloter dans ses moments de détentes autres, ailleurs, plus tard, lorsque le moment sera propice pour cela.

D’ailleurs Alphonse que nous connaissons philosophe à sa distraction, a toujours pensé qu’un présent n’est jamais neutre. La réalité est toujours augmentée, car au réel se superpose constamment des impressions d’avant. Cette fameuse madeleine dont Proust décrit si bien les impressions confondues que celle-ci évoque en chacun, celle que nous avons tous au fond de nous.

Alphonse en a connu des carrefours, notamment l’année mille neuf cent… celle de la septième, à l’époque les orientations étaient principalement déjà faite ici. Soit le lycée, soit le certificat d’études, et la rupture, la scission était nette et définitive dans le fait qu’il était à cette époque quasiment impossible de revenir, ou de rattraper quoi que ce soit.

Combien de camarades se sont retrouvés orientés pour devenir ouvriers, alors que d’autres partaient en section d’agents de maîtrises, pour qui et pourquoi ces sélections aussi brutales et violentes. Ainsi ces jeunes de quatorze années ont dû prendre les habitudes de ces environnements, les mauvaises souvent pour se styler, pour faire comme les autres plus homme, plus mature, pour ainsi être moins importuné. Il pense ainsi à Claude, le p’tit Claude comme il se faisant charrier tout le temps, c’est vrai que Claude n’était pas le plus grand, mais allez savoir pourquoi, lui seul était affublé d’un tel sobriquet, bien commun de plus.

Claude a bien dû s’y habituer à ce sobriquet qu’il n’avait pas choisi, il y voyait même parfois comme une forme de tendresse, dans ce monde rude que sont les cours de récréations. A cette époque les enseignants étaient moins complaisants, et les petits étaient plus jugés comme des incapables pas encore finis, ni accomplis, que plutôt comme des personnes à protéger, à révéler, d’ailleurs étaient-ce des personnes, ou simplement des élèves.

Toujours est-il qu’Alphonse appréciait bien Claude qui avait sa maison pas très loin du bourg, ils se retrouvaient avec Georges souvent à faire les quatre cents coups, mais en y repensant avec complaisance, Alphonse retrouve plutôt beaucoup de naïveté dans ces jeux terribles, pas de quoi casser la patte à un canard !

Claude était un petit blondinet qui ne se distinguait pas plus qu’un autre du lot, il n’était ni particulièrement dégourdi, ni particulièrement effronté, ce qui détonera de la suite. Claude, plutôt le p’tit Claude pour nous remettre dans le contexte, avait des résultats scolaires tout à fait honorables, mais avec des faiblesses en rédaction, c’est vraisemblablement pour ces raisons que Monsieur Baichu ne le supportait pas. Ainsi le p’tit Claude assez souvent rabroué en classe était devenu l’objet des moqueries des autres. Un peu bouc émissaire pas autant qu’Antoine dont Alphonse nous parlera vraisemblablement bientôt, mais il n’était jamais en paix. Et puis tant que l’on ne se moque pas de soi, autant taper sur ce celui qui est désigné, c’est ainsi la loi du groupe, animée par ce principe qu’il faut un faible pour faire exister le fort.

Alphonse s’est rendu compte par la suite que Claude souffrait simplement d’une légère dyslexie qui se corrige facilement, mais à l’époque cela n’existait pas la dyslexie.

Ainsi alors que M Baichu proposa l’orientation vers le petit lycée pour Alphonse, il n’en fut pas de même pour Claude qui du partir en classe de transition puis rapidement incorporer un apprentissage. Ses parents qui travaillaient dans l’usine locale, et sans formation pensaient que c’était bien qu’il fasse un apprentissage en ajustage, pensant que cela lui permettrait d’avoir un noble métier.

Mais il n’en fut pas ainsi.

Alphonse revoyait Claude de temps à autre, chacun ayant regagné ses campements que sont principalement à ces âges les lieux de scolarité. Pour Alphonse le petit lycée se déroulait plutôt assez bien, il poursuivait naturellement le cycle de la scolarité sans trop se poser de questions, c’est là d’ailleurs où il se rendit compte qu’il pouvait développer cette faculté d’adaptation. Claude lui racontait en faisant un peu le fort combien être passé en classe de certificat d’études lui conférait ce statut de grand, d’archi-grand même, puisque ces élèves pouvaient y traîner leurs guêtres jusqu’à leur quatorze ans à cette époque, donc la légitimité à être grande n’était plus à démontrer il faisait partie de cette caste.

Alphonse aurait pu y développer une forme de jalousie, mais rien que de repenser à traîner sur les bancs d’école avec M Baichu pour maître, alors que lui accédait à des locaux spacieux et à des bureaux individuels avec des enseignants plus lumineux, cette idée lui faisait peur, parfois le révulsait même un peu mais Alphonse n’est pas du genre à laisser glisser ses sentiments.

Cette année des treize ans se passa avec glissement et sans rupture, les longues balades en vélo à travers les poches douçâtres que découvrait le marais se succédaient, dans leurs rires souvent ils se retrouvaient au « chemin du grand chêne » comme si le temps n’effaçait pas la réalité ! C’est que les petits grandissaient et devenaient doucement des jeunes hommes, les poils des moustaches naissantes auraient pourtant pu nous l’indiquer, mais eux n’y voyaient que du plaisir à partager ces douceurs, comme prendre à respirer cet air si particulier des marais, les narines d’Alphonse s’en souviennent toujours.

C’est la rentrée suivante qui marqua le plus Alphonse, car Claude fut aspiré dès la fin août par un apprentissage chez un patron, mais en l’occurrence cela fut pire que pensable, car ses parents croyant bien faire, avaient réussi à le faire entrer chez un client de l’usine où ils travaillaient aussi, sincèrement ravis de leur bonne affaire, bien mal leur en pris, Claude en paya toutes les conséquences.

Alphonse et Claude n’ont fait que se croiser depuis, mais ces petites rencontres furtives, par des marques subtiles, invisibles au début montraient, combien l’état général de Claude se dégradait assez rapidement. Mais Alphonse ne s’en était pas rendu compte in situ, c’est progressivement qu’il a vu s’établir la dégradation de son ami. Il en sut plus par Louis qui avait le don pour récupérer tous les ragots circulant. Malheureusement Claude s’était fait aspirer par ce monde ouvrier rude, plein de noblesse certes, dont certains savent tirer profit, mais qui par malheur s’était retourné contre Claude qui n’avait pu en prendre que les artifices et les stéréotypes.

Pour jouer à l’homme et ainsi ne plus être rudoyé en tant qu’apprenti, Louis qui en savait toujours plus que tout le monde, expliquait comment Claude était humilié, et soumis aux tâches les plus rudes, et avilissantes abandonnées aux arpètes comme le veut cette sordide coutume. Il fut ainsi amené à « jouer à l’homme », un peu au dur, et donc cru bon de fréquenter le bar le plus mal famé de la commune, afin d’y fréquenter de mauvaises fréquentations ! Et il se prit au jeu ne commettant pas trop de dérapage, mais intégrant ce monde obscur des coups tordus. Comme s’il savait qu’il scellait ainsi une perte, non pas une fuite en avant, mais une destruction organisée, dont on fond de lui il devait avoir des résonances. Il avait dû sentir que ce virage raté, cette impasse avec ces conjonctures dans lesquelles sont instituteur conjuguées au choix de ses parents avaient enfermé sa vie qui serait de fait de misère. Alors perdu pour perdu.

Le physique se dégradait rapidement, sous l’effet de l’alcool et de la cigarette, mais principalement par une hygiène de vie épouvantable.

Claude devint l’archétype du pauvre type, de la petite frappe comme le disait Louis, il rencontra une fille issu de ces milieux défavorisés dont il ne faisait pas parti, et ensemble naviguèrent entre batailles, naissances, chômage et alcool, pour finir seul, plus ou moins clochardisé dans la maison de ses parents dont il avait hérité mais qui se délabrait faute de pouvoir en assurer l’entretien, et devenait une friche.

Edouard qui était parti à la même époque, directement en apprentissage, sans passer par la classe de transition, avait eu la chance de tomber sur un tuteur choisi par l’instituteur. Ce maître de stage était lui bienveillant, ce qui l’a protégé et fait évoluer de bon élève intéressé et appliqué, à ouvrier puis agent de maîtrise, adoptant lui aussi tous les comportements que la société attendait de lui, ce qui lui a permis de terminer agent de maîtrise formateur.

Qui a choisi quoi, qui peut revendiquer quoi ? A quel moment peut-on prendre la main sur ces déterminismes se demande Alphonse, pour pouvoir avec le mieux de lucidité faire des choix. Ceux-ci en fonction de ce que je suis devenu maintenant, ceci afin qu’il nourrissent le reste de mon parcours.

Alphonse croise ainsi ses souvenirs, toujours volontairement, égaré dans ces rêveries, et revient à ce jour de la rentrée ou plutôt à ce moment de la sortie des classes ce jour de la rentrée. Ce mot rentrée lui plaît plutôt d’ailleurs, car lui en garde des souvenirs, comme d’accompagner sa mère acheter les fournitures nécessaires, des petits moments précieux vécus avec fébrilité.

Il ne peut s’empêcher d’associer aussi à ce mot « rentrée » l’image des feuilles mortes naissantes à cette période, avec cette odeur de l’automne mélangée, encore à celles de l’été encore présent, et finissant, pour savoir ainsi tirer profit de chaque saison.

La rentrée c’est pour lui ce marqueur de temporalité des saisons à venir, comme l’automne avec ses longues promenades, surtout avec l’avantage d’être né ici, car il plaint ceux des villes, car il a toujours détesté cette ambiance et odeur des débuts d’automne en vile. Et puis cela amène les rêveries au coin du feu qu’il avait chez ses grands-parents, annonçant d’autres rêves plus chauds que l’été lui-même.

Et pourtant qu’elle était belle cette rentrée.

Alphonse garde des souvenirs impérieux et précieux de ces moments de partage. Ceux de la joie de se retrouver et surtout de ce moment de « la sortie le premier jour de la rentrée » pour aller d’un coup de bicyclette au « chemin du grand chêne » !

Lien sur mon dernier livre : Une nouvelle psychanalyse la PAR

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Jacques Rivalin, Psychanalyste et Psychothérapeute à Nantes

La Psychanalyse P.A.R est une nouvelle forme de thérapie, brève et très aboutie. C'est une réelle psychanalyse dynamique et de courte durée. La pratique de la P.A.R. met l’analysant en situation de se connaître rapidement au plus profond de lui-même pour mettre en place les changements nécessaires et indispensables à sa recherche de bien-être.

Étant depuis 1989 Psychanalyste didacticien, Jacques Rivalin forme des psychanalystes les amenant au stade de l’exercice professionnel, qui ensuite sera supervisé, tout le long de leur activité professionnelle, garantissant ainsi au psychanalyste et à ses analysants une assurance de résultats et de qualité.

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