Cette série d’article, par les chemins de traverses que je m’autorise à prendre, propose une lecture, que je souhaite différente, pittoresque éventuellement, de ce que cette période étrange due au confinement, met en résonance au tréfonds de nos psychismes. En effet celle-ci active, et bien malgré nous, également au plus intime en nous, des territoires d’émotions, de sensations et de pensées parfois très singulières.
Je propose d’observer pour mieux les cerner, combien ces territoires très particuliers qui sont activés en chacun de nous, sont le propre de concepts et de désinences plutôt habituels de la psychanalyse.
Dans les articles précédents, j’ai développé à maintes reprises que ce confinement exacerbait nos fonctionnements, nos singularités, en activant comme une « fonction miroir » à laquelle la vie quotidienne nous fait généralement échapper.
Habituellement l’autre est présent, la vie est là pleine de bruits et de rencontres. Nous nous rendons véritablement compte aujourd’hui de la place, de la quantité et de la qualité qu’elles avaient auparavant. Ainsi même dans nos solitudes d’avant, nous n’étions jamais réellement seuls, ici même le silence diurne ou nocturne n’est plus le même.
Ainsi mes développements précédents ont montré que l’architecture espace-temps était modifiée, et qu’il était important de donner aux routines leurs places, ou d’en créer d’autres, afin que de ne pas être confronté au vide.
Cette vacuité présente est tellement insupportable qu’il faut la remplir en permanence, la remplir par des activités ou par des biens de consommations, nourriture ou alcool. La remplir à tout prix pour ne pas la ressentir.
Mais ne perdons pas de vu que ces efforts de remplir, de combler ce vide, sont fait pour nous éloigner de cette perception d’infini. Bien évidemment qu’il ne s’agit pas d’une démarche déterminée, et qu’à ma connaissance personne n’effectue volontairement cette démarche en pensant : « tiens face à cette sensation de vide qui me submerge il faut que je comble à tout prix cette vacuité » il s’agit plutôt d’un sentiment d’un état de malaise, que l’on évite à tout prix de ressentir par ce remplissage d’action ou de nourriture.
Si l’on veut développer un peu plus les concepts, il s’agit bien évidemment de l’activation de ce stade oral, qui ne peut être satisfait que par ce gavage volontaire que l’on se procurera. Et pour continuer ainsi les rapides références, il s’agit d’éviter de ressentir les effets du stade d’avant, que j’ai décrit comme un état psychotique que l’on pourrait qualifier de cosmologique, qui est celui de la vie intra utérine. Son appel fait entrer dans cette matrice indicible et incontrôlable. Et notre psychisme par les corolaires de l’inconscient fera tout pour, en comblant les sensations de vacuité, ne pas être confronté à cette peur de disparaitre par dissolution, face au vide, à l’infini.
Aussi de façon tout à fait réflexe, dès que ces sensations de vide apparaissent, le psychisme nous attire par les appétences qu’il sait créer, soit à nous mettre en action et remplir ainsi l’espace-temps, soit dans l’inaction mais à toujours remplir, par un phénomène d’ingestion qui peut rapidement devenir boulimique. Tout comme d’ailleurs la surconsommation d’activité est une expression de la boulimie, mais cela n’est pas l’objet de ce rapide développement.
Nous voyons bien ainsi comment lorsque les deux bornes de cet espace de temporalité sont déstabilisées, notre système de cognition peine à en concevoir la réalité, « moi face à l’infini », dans lequel l’espace et le temps étant confondus, la réalité « habituelle » n’a plus aucun sens réel.
Car cette notion d’infini est intellectuellement parfois saisissable, mais la portée métaphysique de cette conception active dans la réalité de nombreuses peurs.
Le confinement qui fait ce travail de miroir, en réalité ne crée rien. Il n’est qu’un catalyseur de notre psychisme et nous fait ainsi plus repérer des fonctionnements qui, lorsque le psychisme était occupé dans sa quotidienneté, n’apparaissaient pas.
D’ailleurs s’il fallait trouver une fonction au confinement, c’est bien celle-ci : « cette fonction miroir ». Car les voiles qui l’obscurcissaient auparavant sont tombés, plus de paravent, plus d’autres, plus de vaines et inutiles tâches dont les fonctionnalités étaient de remplir le temps, car confinés, nous sommes maintenant face à nous même.
Je tiens à rassurer car avec cette épreuve, celle du miroir, nous sommes pratiquement dans une forme de quête, qui n’est pas nécessairement douloureuse, ni désagréable. Étant donné que de très nombreuses personnes ont su trouver un équilibre psychique harmonieux, mais étant absorbées par des tâches quotidiennes, et ainsi livrées bien involontairement à ce test, se découvrent beaucoup plus en paix et en harmonie qu’elles ne le soupçonnaient.
C’est un peu comme l’expression : « la peur d’avoir peur », que je rencontre et utilise très régulièrement dans les séances au cabinet, en posant notamment cette question à l’analysant : « vous avez peur, ou vous avez peur d’avoir peur ? »
Car tellement confrontés, habitués à des comportements que l’on croit toujours en potentielle action, parfois nous redoutons des comportements tapis au fond de nous, mais qui n’existent plus et sont, en vérité depuis longtemps dépassés.
A ce propos de très nombreuses personnes suite à mon dernier ouvrage : « Une nouvelle psychanalyse » me demandent des précisions quant au concept de mitoyenneté, et c’est ici notamment qu’il intervient particulièrement, activé par les syllogismes psychanalytiques propres à la Psychanalyse PAR.
En effet comme je l’ai fréquemment expliqué nous ne laissons jamais un analysant tout seul face à des incertitudes, des doutes, à la différence des formes ultra passives de la psychanalyse, que nous trouvons couramment et qui sont véritablement éloignées de la source de Freud et surtout de celles de Ferenczi.
Laissant ainsi l’analysant volontairement mariner dans des doutes, des non-formulations, des peurs qui pour y revenir sont souvent imaginaires et non réelles.
Le concept de mitoyenneté, pour une explication rapide, est l’évolution que j’ai donné au sens du terme « d’alliance thérapeutique » qui a glissé vers le concept d’alliance, pour devenir celui de mitoyenneté. Dans celui-ci le psychanalyste PAR est pleinement présent durant la séance, il est comme un double, un jumeau de l’analysant, une copie libre qui peut simplement par la présence, ainsi rassurer et donc alimenter le transfert positif. Je le rappelle celui-ci est indispensable au bon déroulement de la cure.
Par cette fonctionnalité mettre en forme ce fonctionnement particulier de syllogismes par un jeu de questionnement comme : « que voyons-nous, ou sommes-nous, que pouvons et voulons nous dire et à qui ? ».
Ainsi l’analysant sait qu’il est accompagné dans le cadre d’une neutralité réellement bienveillante qui permet par cette présence d’organiser tous ces territoires des zones de l’historicité. Ainsi pour en revenir à cette fameuse peur d’avoir peur, le psychanalyste en PAR va accompagner son analysant, en allant interpeler le plus rapidement ces territoires que ce dernier redoute, répugne même parfois. Comme si y aller, l’amènerait obligatoirement à découvrir soit un drame, soit une information cachée.
La plupart du temps c’était simplement la peur d’y aller, la peur que l’on pourrait trouver quelque chose, alors qu’au final, en abréagissant ces souvenirs nous nous rendons compte qu’il ne s’agissait pas de traumas, encore moins de dramas, et parfois même d’événements positifs qui ont servi de base constituante
Ce laïus pour montrer que la psychanalyse n’est pas une vaste complainte et je renvoie en ce sens à la lecture de la série d’articles : « La psychanalyse hautement performante ».
Et les vacances !
Il est intéressant de faire un parallèle de même nature avec les vacances et notre rapport avec. Car de très nombreuses personnes une fois la rapide euphorie dépassée, se trouvent très rapidement et de façon irrationnelle confrontées à de l’ennui, à de la tristesse, de la peur ou même de la colère.
Et si nous leur demandons simplement même de préciser ces états de malaises, voire de les nommer, la plupart de ces personnes seraient incapables d’en déterminer l’origine. Nous retrouvons ces similitudes à savoir que les vacances libèrent un espace temporel sensiblement, ou radicalement différent de celui de la vie quotidienne, et active de la même façon que ce confinement les mêmes pertes de repères notamment de la temporalité.
Je l’expliquais dans les articles précédents nous ne sommes pas égaux face aux épreuves, et je vais montrer comment dans ces moments qui a priori sont provoqués par les mêmes conditions de confinement, les réactions ne sont absolument pas de même nature.
Aussi certaines personnes vont vite se sentir dépassées par les événements et ne pas comprendre ce qu’il se passe, alors que d’autres peuvent éprouver de la peur ou de l’anxiété au quotidien. Mais si certaines ont des réactions mesurées et réfléchies, d’autres réagissent de manière plus vive. Nos réactions vont être déterminées par de nombreux facteurs, tels que nos expériences antérieures d’événements stressants, ainsi nous pouvons avoir au fond de nous des piles déjà actives dont nous ignorons l’existence et qui sont à la limite de leur capacité.
Je le répète à tous mes analysants, nous ne nous sentons jamais autant légitimes que dans nos affects, ainsi le timide sera humaniste, le colérique aura le sang chaud, le dépressif sera un romantique. Mais en réalité nous voyons que ce sont ces états d’affects qui vont ainsi provoquer des sensations, des ressentis, qui en influençant notre psychisme nous amènent à des conduites qui sont en réalité pulsionnelles, et non des décisions purement muries.
Rappelons-nous que seul l’homme lucide peut être heureux, malheureusement combien sont dans des mondes d’apparence et donc d’illusions !
Nous ne sommes jamais autant légitimes que dans nos états d’affects, mais c’est une illusion.
C’est un piège qui est même terriblement dangereux, car combien semble être pétris d’élans de toutes sortes, qui en réalité sont souvent l’expression de terrains névrotiques, de tristesses, de peur, comme ces sensations d’être observé, d’être jugé, aimé, envié, incompris et dans d’autres. Ainsi cette pression due aux affects semblera devenir une légitimité se transformant en conduites qui pousseront l’individu au passage à l’acte, à ne pas confondre avec le passage à l’action qui est lui fondamentalement différent, car celui-ci est pleinement maturé.
Le but de l’éducation est d’apprendre à l’enfant de gérer au mieux ses frustrations. Cela renvoie également à l’autorité, je développerai dans un autre article ce sujet, car cette perte de nos libertés nous renvoie à notre capacité d’acception, qui découle de cette autre capacité, celle de savoir et pouvoir gérer nos frustrations.
Observons le confinement les privations de droits et les frustrations générées. `
Très rapidement je propose de développer comment ce contexte génère de la frustration principalement par la privation évidente de liberté.
Nous sommes tous confrontés dans la vie quotidienne à de constantes frustrations car nous ne pouvons pas, et fort heureusement satisfaire tous nos désirs. Nous sommes exposés à des barrières personnelles, familiales ou sociales, qui sont là pour nous protéger.
Nous pouvons affirmer que la frustration est une réponse émotionnelle à l’opposition, qui est toujours liée à de la colère, ou à de la déception. Celle-ci survient systématiquement lors d’une résistance perçue par la volonté d’un individu. Nous pouvons donc préciser qu’il s’agit de l’état d’un individu qui se trouve dans l’incapacité d’obtenir l’objet de satisfaction qu’il ambitionne.
Nous pouvons également considérer que ce terme de frustration est souvent distingué, dans une perception beaucoup plus large, et désigne toute impossibilité pour un individu de s’approprier ce qu’il désire.
Il est commun de faire des raccourcis lors de la vulgarisation de ces concepts psys, notamment en expliquant que les difficultés que chacun éprouve renvoient à la notion de frustration, et ainsi de dire que l’enfant frustré serait un névrosé.
Ceci est entièrement vrai, mais nous pourrions également pratiquer le raisonnement à l’envers, c’est bien parce que le système éducatif a été défaillant, dans sa globalité, ou dans certaines fonctionnalités que ces lacunes vont apparaitre.
Je le rappelle à nouveau l’un des buts finalement essentiel de l’éducation, est bien justement d’apprendre à l’enfant à gérer ses frustrations. De nombreuses éducations laxistes qui pensent appliquer au pied de la lettre ces préceptes en laissant l’enfant plus ou moins libre dans ses comportements et désirs, ne produisent que des catastrophes. En fabricant des adultes qui eux seront constamment frustrés et de fait totalement immatures. Mais cela je le développerai dans l’article prochain.
Du Dolto, mal compris, en quelque sorte, au pied de la lettre et sans aucune analyse et discernement. Car l’enfant a besoin d’un Surmoi, qui est là pour nous aider à modéliser et développer nos réponses aux environnements. Ces éducations n’en produisent pas, ou des modèles défaillants car fragiles et relatifs.
Le message était de faire passer l’enfant d’un objet à un sujet, digne de tout le respect qu’on lui doit. En réalité, on en a fait un enfant roi en cultivant et développant son narcissisme, ce qui est fondamentalement en opposition avec la construction d’un Surmoi équilibré et tolérant. Cela je le développerai également, mais le rôle de Moi est bien de prendre le contrôle par les meilleurs décisions bien adaptées au contexte.
Toujours ce percept : « c’est moi le patron et non mes affects ».
Une éducation faite d’équilibre permettra à l’enfant, puis essentiellement au futur adulte de savoir entre les envies, les pulsions de toutes natures et les réalités environnementales prendre encore une fois les meilleures décisions.
Trop de Ça et ce seront les pulsions qui domineront, alors nous aurons affaire à un animal sauvage, furieux pétri de ses pulsions et assuré d’avoir raison. Trop de Surmoi, et nous aurons affaire à une personne soumise, malléable et influençable, le dernier aura toujours raison, incapable d’avoir son propre avis.
Nous pouvons considérer que :
- la privation,
- la frustration,
- la castration.
Sont des concepts qui spécifient la distinction de l’agent du manque, de l’objet du manque et du manque pouvant lui-même être perçu comme une opération. Je ne vais pas développer plus mais nous pouvons représenter également que l’objet du manque est lui-même imaginaire. L’enfant est systématiquement confronté à son désir, au désir de l’autre qui peut refuser. Nous sommes constamment dans une alternance binaire.
Les fonctions du Moi, le Surmoi et le Ça.
Où et comment la seconde topique va nous explique le rôle et les fonctionnalités dévolues aux parents. Je l’ai souvent expliqué le Surmoi est le gendarme dont nous avons besoin. Ce peut être malheureusement une caserne ou un simple gardien de square comme nous l’avons vu. Pas de Surmoi et ce sont les pulsions qui l’emportent, trop de Surmoi, et les pulsions sont refoulées.
Dans l’article suivant je développerai de façon plus précise et mécanique comment doit se construire le Surmoi.
J’en profite pour préciser que la psychanalyse propose des lectures de nos fonctionnements à travers sa conception du psychisme, et les outils qu’elle utilise, ce ne sont pas des vérités, mais des instruments métaphoriques de compréhension qui confrontés à nos réalités leur donne du sens et des éléments de discernement.
Pour en savoir plus : mon dernier livre