Prologue
J’écoutais discrètement un « vieux » comédien parler de son livre et de sa vie, jusqu’au moment où mon attention fût attirée par une phrase à résonnance psychanalytique « Quand je me lève le matin, je sais que je joue instantanément. »
Immédiatement, de nombreuses réflexions ont surgi : « Le monde est un théâtre. », « Ma cie est écrite. », « C’est mon destin, je ne peux rien changer.», etc…
Peut-on échapper à son déterminisme? D’ailleurs, y en a-t-il un ? L’inné/l’acquis, la religion, la place de Dieu –pour ceux qui y croient– et pour les non-croyants, quelle conception de la vie, de notre place et de notre rôle ?
Et puis d’autre part, à quel moment choisit-on ? Je plains les experts psys qui doivent savoir si le condamné à venir est responsable.
Vous vous demandez où je veux en venir ! Eh bien tout cela fait partie d’un vaste maillage atemporel et philosophique qui est l’objet même de la psychanalyse.
Ce vieux comédien a pleinement raison.
Tous les matins, nous sommes amenés à jouer, de façon consciente ou non. Simplement en se devant d’être aimable ou pas, avec son conjoint, ses proches, en feignant d’être disponible et plaisant avec ses collègues, en enfilant son rôle de petite frappe dans le quartier, son uniforme de juge, sa blouse de médecin.
Tenir sa place, son grade, rester dans son rôle, le quotidien de la vie nous amène tous à vivre cela. Mais est-ce que c’est écrit, est-ce que nos rôles sont immuables ? Est-ce que la partition du déterminisme ne permet pas l’improvisation ?
Je vais tenter d’y apporter un regard psychanalytique.
Acte 1: La naissance
L’embryon, le fœtus, le nouveau né que nous avons été, qu’avons nous choisi? Comme le dit la chanson : « On ne choisit pas ses parents, on ne choisit pas sa famille », on ne choisit pas sa couleur de peau. Nous ne choisissons pas non plus notre identité génétique, alors quel drame ! Quand le bébé paraît, tout est écrit!!
À ce stade, que la psychanalyse définit comme fœtal-oral, effectivement que nous sommes dotés et gérés par dame nature. Fichue phylogenèse, quand tu nous tiens!
Vont entrer en scène à ce moment deux acteurs importants dans ma pièce de théâtre : les parents, que eux non plus je n’ai pas choisis.
Pourvu que nous nous apprécions !
Eh oui, malheureusement, trop souvent ces premiers rendez vous se ratent, par maladresse ou par couveuse. Combien de nouveaux nés avec trois mois de couveuse, élément vital de leur vie, s’inscrivent dans ce rôle d’un état d’extrême abandon, et vont donc toute leur vie, même à son aube, en subir les conséquences des modèles effecteurs ? (Je développerai un article sur ces fameux modèles).
À partir de maintenant, la partie commence. Chacun, chaque être dans l’environnement proposé va s’adapter peu ou prou. L’adaptation qui apparaît, faculté inhérente au psychisme, va organiser nos conduites plus ou moins bien appropriées à l’exotype (l’environnement le plus large ) . S’esquisse malgré tout dès les premiers mois de la vie une sorte d’identité qui fait que c’est moi qui écris mon rôle.
C’est à ce moment que le Moi freudien apparait.